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Article paru dans Gazoline 57 de mai 2000
Simca Océane Grand Carrossier, robe haute couture

samedi 13 septembre 2003, par Jean-Jacques


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Revue - L’Automobile 10-1956
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Catalogue 1962


Optiques rondes, fines lèvres chromées entourant une généreuse calandre grillagée, pare-chocs relevés sur les côtés, pare-brise panoramique, l’élégante Aronde Océane dans sa robe "Grand Carrossier" glisse délicatement ses roues à rayons hors du garage. Laissant enfin découvrir l’intégralité de sa livrée d’une rare finesse. Cabriolet luxueux jusqu’au bout des ailes AR prolongées par un ensemble de feux oblongs, largement inspirés par la mode Cap Canaveral américaine, l’Océane revendique fièrement une élégance que ses concurrentes de l’époque (403 cabriolet, Panhard PL17 ou plus tard Floride) avaient bien du mal à lui disputer.

Vue de 3/4 AR, l’Océane laisse admirer la douceur de ses lignes et ses pare-chocs aux coins relevés.


De la défunte Week-End, sacrifiée à l’automne 1956, ce cabriolet ne reprenait guère que le soubassement renforcé de l’Aronde et le dessin général, jusqu’à la ligne de caisse. Car au-dessus, Daninos et l’équipe de Facel SA ont tout revu et corrigé. Les ailes plongent ainsi légèrement sur l’AV, prolongées par des portes de phares qui surplombent des clignotants intégrés au bas des ailes. La face AV amincie arbore une calandre en aluminium poli façon grillage à maillage large et si l’on retrouve le dessin du capot de la Week-End, celui-ci est cependant légèrement plus incurvé. Plus novateur, au moins pour la France, le pare-brise est de style panoramique large, débordant généreusement sur les côtés. Ce qui, on le verra, a imposé une découpe originale du seuil de porte. La ligne AR sacrifie à la mode américaine des petits ailerons, terminés par un bloc de feux plantés à la verticale, le coffre s’achevant en pente douce au-dessus des pare-chocs.

Look américano-italien
Fine, élégante, destinée avant tout à une clientèle féminine comme le clamait Henri-Théodore Pigozzi, l’Océane (tout comme le coupé Plein-Ciel présenté au même moment) inaugurait la nouvelle ligne des Aronde, baptisée justement... Océane ! Et poursuivra sa carrière jusqu’à la fin 1961. Non sans avoir subi un lifting imposé par la sortie des P60, dès octobre 1958. La calandre sera en effet élargie, son maillage étant plus fin, les pare-chocs se relevant sur les côtés, un peu à la manière des Ford Thunderbird américaines et les feux AR s’offrant une incursion du côté de Lunapark, avec leur entourage chromé et leur forme oblongue. Dans cette version, baptisée Grand Carrossier, elle ne vivra que deux printemps. Tout juste le temps de faire admirer sa robe, avant de laisser sa place à une version "appauvrie" et surtout dépourvue de ses chromes affriolants et de son intérieur cuir. Il faut dire que son prix (1.388.000 francs en octobre 1959) avait de quoi faire reculer les plus audacieux quand on sait que, à cette même époque, une DS19 coûtait 1.173.108 francs, un cabriolet PL 17 1.153.880 francs et une Floride 878.500 francs. Au niveau de prix atteint par l’Océane, il n’y avait guère que le cabriolet 403 (1.370.000 francs) qui pouvait faire illusion. Avec l’avantage d’offrir quatre vraies places.

De profil, la ligne tendue de l’Océane apparaît dans toute sa splendeur, le pare-brise devenant étonnamment présent.


C’est donc l’une de ces rares versions Grand Carrossier qui dévoile ses charmes, dans sa livrée rouge torche. Un des nombreux coloris proposés par Simca et qui allait du noir diamant au bleu de soirée, en passant par le vert criquet, le bleu ciel de Capri ou (mais uniquement sur le millésime 1960) des peintures métallisées : beige doré irisé, beige foncé irisé, vert Pacifique irisé, brun Jamaïque métallichrome et gris métallisé moyen.
Son soubassement, on le sait, est emprunté à l’Aronde. Renforcé pour retrouver un peu de rigidité et légèrement modifié par l’adjonction de deux petites tôles servant à élargir la plate-forme. Livré par les usines Simca chez Facel SA à Colombes, ce soubassement est ensuite habillé par une carrosserie qui, elle, est totalement spécifique et n’emprunte aucun élément à la berline. Les portes, ailes et capots sont ainsi des créations, ajustées à la main en bout de chaîne, ce qui complique évidemment la vie des restaurateurs qui auront bien du mal à trouver des éléments qui s’adaptent.

L’étonnante ouverture de la porte, avec son échancrure pour laisser le passage au retour de pare-brise. Pas très facile pour se glisser sur le siège.


Bouche gourmande
Cette carrosserie est assez atypique dans la France de cette fin des années cinquante. A mi-chemin entre les rondeurs italiennes et les lignes acérées des américaines symbolisées par l’époustouflante Cadillac 59 et ses ailes AR qui n’en finissent pas de lacérer le champ de vision du conducteur qui la suit. Ici, pourtant, la démesure n’est pas de mise. Les lignes douces suivent des courbes policées qui cherchent avant tout à affiner le profil de l’auto. L’AV et l’AR sont légèrement plongeants, mais sans violence et uniquement en bout de course, et ne descendant jamais en dessous de la ligne de caisse. La face AV témoigne d’ailleurs de cette tendre et délicate propension à séduire l’œil plutôt qu’à le heurter. La calandre, expansive, s’est étalée à la manière d’une bouche gourmande sur toute la largeur, venant lécher le bord des ailes. Et elle est soulignée par une fine moustache supérieure en inox, spécifique à ce modèle, qui déborde langoureusement jusqu’aux passages de roues. Son maillage, beaucoup plus fin que sur le modèle précédent, venant contrebalancer une ouverture décidémment bien indécente. De chaque côté, et à l’aplomb des phares pourvus de portes chromées, les petits clignotants ronds sont encastrés dans un ovale doté d’un enjoliveur chromé du plus bel effet. Et enfin, autre spécificité du modèle Grand Carrossier, les pare-chocs, recourbés vers le ciel à la manière de la T-Bird.
L’AR est tout aussi délicatement arrondi, à l’exception des ailes qui, elles, font dans le superfétatoire. Tendues et acérées, elles arborent un enjoliveur encastré à l’oblique qui supporte le combiné feu stop-feu de position-et clignotant en forme d’ogive et un catadioptre. Le tout sur fond en alu strié. Là encore, les pare-chocs jouent l’ostentation en rebiquant sur les côtés.

Du cuir, du cuir et toujours du cuir pour des sièges dont l’assise est monstrueusement géniale. Des sièges dont le dossier bascule pour pouvoir... mettre des bagages sur la banquette AR.


Pour autant, les chromes ne sont pas la tasse de thé de l’Océane qui s’accorde tout juste une baguette de bas de caisse et un encadrement de pare-brise. Et même ses jantes à rayons se refusent le chrome, préférant une plus discrète peinture métallisée. Discrète, elle l’est même dans ses finitions intérieures : la planche de bord s’inspire largement de celle de la P60, même si c’est une création Facel. On y retrouve le compteur (les premiers modèles arboraient le compteur de vitesses à ruban) et l’emplacement pour l’auto-radio. Mais la boîte à gants, avec son monogramme "Océane", est réalisée dans la même matière que la planche de bord, celle-ci étant soulignée par une baguette qui court sur sa partie inférieure. Le cendrier est encastré et la clé de contact, si elle reste à gauche, est positionnée plus bas. Si la colonne de direction reste celle de la P60 avec son linguet sur la partie supérieure qui commande les clignotants, le volant est typique des Océane avec ses deux branches en alu et son moyeu ogival. La commande de climatisation a, elle, émigré sous la planche de bord. Pour le reste, on retrouve le levier de vitesses au volant, le combiné feux de position-codes-phares et le cerclo-avertisseur. Le pédalier est, lui aussi, identique à celui de la P60 mais la comparaison entre les deux modèles s’arrête là. Parce que les finitions sont nettement plus luxueuses. Les sièges séparés sont en cuir, bénéficiant d’une assise plus dure qui assure un bien meilleur maintien. Des sièges montés sur glissières et qui basculent pour permettre le passage à l’AR. Mais la banquette chiche n’est guère là que pour accueillir des bagages. Au mieux un enfant en bas âge. Les contre-portes, recouvertes de cuir, arborent des poignées spécifiques et notamment une manivelle de lève-vitre à la démultiplication effarante ! Il faut mouliner comme un malade pour faire descendre, millimètre par millimètre, la vitre ! Enfin, et pour terminer ce tour du propriétaire, on notera que les essuie-glaces balayent le pare-brise en se croisant, que le rétroviseur intérieur est doté d’un éclairage et que les pare-soleil sont rembourrés et garnis de cuir.

Sous le capot, le quatre cylindres Flash Spécial. La motorisation la plus puissante de Simca à l’époque, mais à qui il manque des chevaux et surtout du couple pour autoriser une vraie conduite sportive.


Mécanique d’Aronde
La partie mécanique est beaucoup plus classique. Car, sous le capot moteur qui s’ouvre généreusement de l’intérieur, on retrouve le Flash Spécial dans sa stricte configuration originelle. Pas la moindre préparation, ce qui a toujours constitué un frein aux performances de l’auto. Car avec ce trois paliers de 1.290 cm3 qui développe péniblement 57 ch SAE à 5.200 tr/mn, il ne faut pas chercher une quelconque tendance sportive à ce cabriolet, même si la vitesse de pointe est plus qu’intéressante, à 142 km/h. Mais le kilomètre, départ arrêté, douche immédiatement l’enthousiasme : 42 secondes. C’est beaucoup trop pour espérer faire trembler les chronos. Ce moteur, plus souple que nerveux, est cependant un excellent compromis qui permet de se faufiler en ville sans changer constamment de rapport et autorise une conduite coulée sur route, là encore sans se préoccuper du levier de vitesses. Alimenté par un simple carbu inversé Solex 32 PBICT, il est refroidi par un radiateur de beaucoup plus grande capacité que sur une P60. Même si, aux dires de Philippe Leullier, le propriétaire de cette Grand Carrossier, « la voiture ne chauffe jamais. Il suffit de regarder le thermomètre qui a été rajouté sous la planche de bord pour s’en convaincre. »
La boîte de vitesses est exactement celle de la P60. Quatre rapports avec première non synchro et un couple conique de 9x40 qui tire forcément trop long pour une conduite sportive. Cependant, en poussant sur les intermédiaires, on s’offre vite quelques sensations intéressantes, la maniabilité de la commande de boîte aidant grandement à se faire plaisir, même si le rétrogradage troisième-deuxième est, comme toujours chez Simca, ardu.
Les trains roulants sont identiques à ceux d’une P60. Roues indépendantes à l’AV avec ressorts hélicoïdaux et amortisseurs télescopiques, le tout aidé par une barre stabilisatrice au diamètre de 19 mm. Essieu AR rigide avec ressorts à lames longitudinaux et amortisseurs télescopiques. Le freinage est assuré par quatre tambours, suffisamment dimensionnés pour garantir votre sécurité en toutes circonstances.

Dans le coffre AR, le cric et, sous la moquette (épaisse), la roue de secours. Et pas beaucoup de place pour les bagages.


Décapotage ultra-rapide
Rassuré, parce qu’en pays de connaissance, il ne reste plus qu’à décapoter avant de se glisser au volant. Une opération d’une rapidité et d’une simplicité saisissantes. Chrono en main, moins de dix secondes pour rabattre la capote dans son logement. « Je ne connais pas d’autre voiture qui permette un capotage et un décapotage aussi aisés », sourit Philippe. Le couvre-capote en place grâce à de petits boutons pressions (là encore, ça va à la vitesse du TGV), l’accès aux places AV est assez étrange. La forme du pare-brise a, en effet, imposé une entrée de porte pour le moins originale et il faut impérativement plier la jambe droite à l’équerre pour la glisser sous l’imposant retour du pare-brise. Et se casser en deux pour riper sur le siège. Mais, une fois installé, quel confort, mes aïeux ! L’assise offre une position de conduite quasi parfaite, surélevant très légèrement les cuisses, et le dos est parfaitement maintenu. Le réglage en profondeur du siège permettant de trouver rapidement et facilement ses repères. Le volant, très fin, tombe bien en mains même si son gainage « à la longue, râpe la paume ». Le contact se fait à la planche de bord (tiens, c’est bizarre, il faut tourner vers la gauche pour mettre en route l’auto, alors que, sur la P60, on tourne vers la droite), sans appuyer sur l’accélérateur (pas de starter manuel, le carbu étant à auto-starter). Le quatre cylindres s’ébroue dans un remarquable silence, faisant admirer au passage sa douce onctuosité. Frein à main repoussé, la première est enclenchée sans souci et l’auto s’arrache à la première sollicitation de la pédale d’accélérateur articulée au plancher. Elle tire relativement long, ce qui permet d’apprécier la montée des régimes et le bruit un peu plus rauque du moteur (et surtout de l’échappement qui n’est pas celui d’origine et offre un bruit "sport" très séduisant). La deuxième passe avec un doigt guidant négligeamment le levier. La troisième trouve tout naturellement sa place, sans heurts (là, avec deux doigts). Puis la quatrième. Les montées en régimes sont douces, les rétrogradages plus "hurleurs" avec, en prime, le pot qui caquète.

Pas d’effets ostentatoires sur la planche de bord, la seule concession au chrome étant le petit monogramme de boîte à gants.


Amusante à conduire
La direction est d’une fantastique précision et d’une douceur extrêmement appréciable, y compris pour les manœuvres. Naturellement sur-vireuse, l’Océane se conduit tout en accélérations, l’AR suivant alors tranquillement la ligne visée et les courbes étant prises sans roulis intempestif. La ridigité de la plate-forme semble être proche de la perfection, l’auto ne se tortillant pas dans les larges courbes comme c’est souvent le cas sur les cabriolets de cette époque. En poussant plus sur les rapports, le quatre cylindres affiche une vigueur réjouissante, son bruit généreux montant dans les graves jusqu’à plus soif. Sans aller jusqu’à devenir résolument nerveux, il accepte l’effort sans rechigner et les performances sont tout de suite nettement plus sympathiques. D’autant qu’on est très vite rassuré par la puissance de freinage, même si la pédale est un poil trop molle à mon goût. Certes, le grand volant et la démultiplication de la direction tempèrent l’enthousiasme, d’autant que le coude gauche a tendance à cogner le renfort de portière. Mais on peut s’amuser à surprendre la petite 205 (diesel d’accord, mais tout de même) qui a l’outrecuidance de nous suivre de trop près. Un petit coup de troisième dans une montée et au revoir cocotte !

Le superbe volant à deux branches en alu des Océane.


Sans prétendre à un statut de sportive qu’elle ne revendique absolument pas, l’Océane est sacrément amusante à conduire, surtout que le pare-brise panoramique, très enveloppant, protège votre visage du vent. De fait, on n’est jamais heurté par les effets tourbillonnants et, bien enfoncé dans un siège décidémment extrêmement confortable, on se prend vite à glisser le coude à la portière et à conduire d’une seule main, petit sourire tranquille dessiné au coin des lèvres. Pour profiter paisiblement du paysage qui défile et du soleil qui vient baigner votre visage. Pour un peu, on en fermerait les yeux de bonheur pour mieux apprécier l’instant. Jusqu’aux suspensions qui se mettent au diapason et se montrent suffisamment fermes pour ne pas prêter le flanc à la critique et perturber un comportement routier extrêmement sain. Accélérant et freinant en ligne, l’Océane est incontestablement une auto sage qui sait, tout juste, s’arracher les tripes à la demande. Mais ce n’est, à l’évidence, pas sa vocation. Faite résolument pour les balades dans sa robe haute-couture, c’est une bourgeoise qui vous accueille entre ses bras gainés de cuir et vous promet un flirt poussé. En tout bien, tout honneur. Quand bien même, en insistant un peu, la belle accepterait volontiers de s’encanailler. Allumeuse, va !
Peter Fuchs
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Les blocs de feux AR façon Cap Canaveral. Et le monogramme "Records du monde" que toutes les Aronde arborent depuis les records de Montlhéry de 1957.

Superbes, les roues à rayons. Mais métallisées et non pas chromées. La belle se veut discrète.

Heureusement que le capot moteur est bien étanche, parce que la protection des fusibles, c’est pas terrible !...

Avec le pare-brise panoramique qui dégage largement la vue, la planche de bord est spécialement dessinée pour l’Océane, même si elle reprend le compteur de l’Aronde et sa colonne de direction.




Jean-Jacques



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